L'Allemagne veut criminaliser les bloqueurs de pub
Le tribunal fédéral allemand (BGH pour les intimes) vient de relancer une bataille juridique vieille de 11 ans entre le géant des médias Axel Springer et Eyeo, les créateurs d’Adblock Plus. En effet, selon The Register, le BGH estime que les bloqueurs de pub pourraient violer le droit d’auteur en modifiant le code des pages web. Et oui, modifier l’affichage d’une page web sur VOTRE propre navigateur pourrait devenir illégal !
L’argument d’Axel Springer c’est que le code HTML et CSS de leurs sites web est protégé par le copyright, donc le modifier (même localement sur votre machine) constituerait une violation. C’est un peu comme si IKEA vous poursuivait parce que vous n’avez pas monté leur étagère Billy exactement selon les instructions. Ou que Renault vous attaquait parce que vous avez mis des housses de siège non officielles.
Daniel Nazer de Mozilla tire la sonnette d’alarme en rappelant que l’Allemagne pourrait devenir le premier pays démocratique à interdire les bloqueurs de publicités, rejoignant ainsi la Chine dans ce club très select. Parce que oui, actuellement, seule la Chine a eu cette idée lumineuse. On se demande bien pourquoi…
Mais attendez, ça devient encore plus absurde car les extensions de navigateur ne font pas que bloquer les pubs. Certaines modifient le code des pages pour améliorer l’accessibilité pour les personnes handicapées, protèger votre vie privée, corriger les bugs des sites mal codés…etc. Alors si on suit la logique du BGH, tout ça pourrait devenir illégal.
Vous utilisez une extension qui ajoute un mode sombre sur un site qui ne propose pas l’option ? C’est une violation de copyright mes amis !! Une extension qui traduit automatiquement ? Allez, hop, au tribunal !! Un gestionnaire de mots de passe qui remplit les formulaires ?? Direction la prison, et plus vite que ça !
Bref, le tribunal Allemand a renvoyé l’affaire devant la cour régionale de Hambourg pour un examen technique approfondi. La procédure pourrait durer encore un à deux ans. Deux ans pendant lesquels l’industrie du web va retenir son souffle en se demandant si l’Allemagne va vraiment oser. D’ailleurs, Google doit se frotter les mains car eux qui viennent de virer uBlock Origin du Chrome Store sous prétexte qu’il ne respecte pas leurs “bonnes pratiques” (traduction : il bloque trop bien leurs pubs), ce serait cool qu’un tribunal vienne leur donner raison légalement.
Perso, je pense qu’il faudrait juste les interdire aux cons et connes, c’est tout. Je me souviens par exemple d’un épisode épique sur Twitter où quelqu’un m’était tombé dessus parce parce que l’avertissement “Article sponsorisé” était mystérieusement absent d’un de mes articles. Verdict immédiat du tribunal populaire : “Ô scandale ! Horreur malheur !! Quelle infamie !! Toi, moche et méchant !! Tu mérite la mort !!” Bref, j’étais devenu l’Antéchrist de la publicité déguisée selon son cerveau en mode économie d’énergie. Mais la réalité, c’est que son Adblock de warrior avait fait du zèle et bouffé uniquement l’avertissement, laissant la pub bien visible sans mention. Et évidemment quand je lui ai fait gentiment remarqué, les attaques ont doublé d’intensité… Le temps ne fait rien à l’affaire, parait-il ;-).
L’avocat d’Axel Springer, Philipp-Christian Thomale, célèbre déjà cette décision comme “une vraie étape importante dans la protection du copyright des logiciels”. Apparemment, pour certains, protéger le copyright c’est plus important que protéger les utilisateurs contre le tracking publicitaire, les malwares cachés dans les pubs, ou simplement leur droit de contrôler ce qui s’affiche sur leur propre écran.
Cornelius Witt d’Eyeo reste confiant et rappelle qu’aucune entreprise ne devrait pouvoir interdire aux utilisateurs de déterminer leurs propres paramètres de navigateur ou les forcer à télécharger du contenu ou accepter du tracking.
Voilà, donc si demain du HTML et du CSS deviennent du “programme protégé par copyright”, autant développer directement en WebAssembly chiffré et arrêter de faire semblant que le web est ouvert. Ou alors, soyons logiques jusqu’au bout, interdisons les lunettes de soleil parce qu’elles modifient la perception des panneaux publicitaires, et obligeons les gens à garder les yeux ouverts avec des pinces pendant les pubs télé, façon Orange Mécanique.
Et si vraiment l’Allemagne décide d’interdire les bloqueurs de pub, il restera toujours le Pi-hole, les DNS alternatifs, ou tout simplement… désactiver JavaScript. Bon courage pour interdire ça.
Source : korben.info