28/07/2025

Mikko Hyppönen – Le prophète de la cybersécurité qui a eu raison sur tout (même sur votre frigo connecté)

Par admin

Mikko Hyppönen - Le prophète de la cybersécurité qui a eu raison sur tout (même sur votre frigo connecté)

Cet article fait partie de ma série de l’été spécial hackers. Bonne lecture !

Si vous avez bien suivi mes articles de ces dernières semaines, vous devez savoir que le monde de la cybersécurité regorge de personnages fascinants. Mais aujourd’hui, installez-vous confortablement parce que je vais vous raconter l’histoire d’un mec qui est plus que ça ! Il est carrement légendaire car Mikko Hyppönen, c’est le Sherlock Holmes des virus informatiques, car au lieu de résoudre des meurtres dans le Londres victorien, il traque les malwares dans le cyberespace depuis plus de 30 ans et son parcours est incroyable !

La première fois que j’ai vraiment pris conscience de l’importance de Mikko sur la Scene, c’était quand il a formulé sa fameuse “Loi de Hyppönen” en décembre 2016 qui dit que : “Dès qu’un appareil est décrit comme étant ‘intelligent’, il est vulnérable.” Cette petite phrase, tweetée un matin depuis Helsinki, est devenue l’une des règles les plus citées de la cybersécurité moderne. Mais l’histoire de ce Finlandais extraordinaire commence bien avant cela, dans un monde où les virus se propageaient encore sur des disquettes 5,25 pouces et où Internet n’était qu’un rêve de geeks.

Mikko Hyppönen, le chercheur en sécurité finlandais qui traque les malwares depuis 1991

Mikko Hermanni Hyppönen naît le 13 octobre 1969 à Kyrkslätt, en Finlande, dans un pays qui va devenir l’un des berceaux de la révolution numérique mondiale avec Nokia, Linux et… Angry Birds ^^. Et son histoire avec l’informatique commence très tôt, puisque sa mère, Kristina, née en 1935, travaille déjà avec des ordinateurs depuis 1966 ! À une époque où la plupart des gens pensent qu’un ordinateur c’est un truc de science-fiction, la maman de Mikko programme sur des machines IBM System/360 grosses comme des frigos.

Du coup, dans les années 70, pendant que les autres gamins jouent aux billes, le petit Mikko et ses deux frères s’amusent avec des cartes perforées et des bandes perforées que leur maman rapporte du boulot. “C’était notre Lego à nous”, racontera-t-il plus tard. Les trous dans les cartes formaient des patterns binaires, et les gamins s’amusaient à créer des motifs, sans vraiment comprendre qu’ils manipulaient les ancêtres du code moderne.

En 1981, à 12 ans, Mikko programme déjà sur un Sinclair ZX81 avec son énorme 1 Ko de RAM. Je sais, aujourd’hui, une simple emoji prend plus de place, mais en 1984, c’était foufou. Et un jour, il obtient son premier vrai ordinateur personnel, un Commodore 64. La bête a 64 Ko de RAM, un processeur 6510 à 1 MHz, et surtout, une communauté mondiale de passionnés qui échangent des programmes sur cassettes audio.

Commodore 64

Le Commodore 64, premier ordinateur de Mikko et point de départ de sa carrière

Et là, c’est parti pour une passion qui ne le quittera plus jamais. Le gamin ne se contente pas de jouer à “International Karate” ou “The Last Ninja”. Il apprend le BASIC, puis l’assembleur 6502, le langage le plus proche de la machine. À 15 ans, il code déjà des démos et des utilitaires qu’il échange dans la scène underground finlandaise. Il fait même partie de plusieurs groupes de demo-makers, cette culture unique où les programmeurs rivalisent pour créer les effets visuels les plus impressionnants avec le minimum de ressources.

Et à 16 ans, moment charnière. Sa mère l’assoit à la table de la cuisine pour une discussion sérieuse. “Mikko, écoute-moi bien. Étudie les télécommunications, les télécommunications c’est l’avenir !” Elle a vu arriver les modems, les BBS (Bulletin Board Systems), les premiers réseaux. Visionnaire, cette femme ! Mikko l’écoute et s’inscrit en informatique avec une spécialisation télécom à l’Université de technologie d’Helsinki.

Et pendant ses études, Mikko ne chôme pas. Il code, il hacke (légalement !), il explore. Et il devient même modérateur sur plusieurs BBS finlandais, ces ancêtres d’Internet où les geeks se connectent via modem pour échanger des fichiers et discuter. C’est là qu’il commence à voir apparaître les premiers virus. Des trucs basiques qui affichent des messages ou effacent des fichiers. Fasciné, il les décompile, les analyse, comprend leur fonctionnement.

Puis en 1991, alors qu’il est encore étudiant, Mikko tombe sur une annonce qui va changer sa vie. Data Fellows, une petite startup finlandaise fondée en 1988 par Petri Allas et Risto Siilasmaa, cherche des programmeurs. L’entreprise développe des outils de sécurité et de chiffrement pour les entreprises. Mikko postule, passe l’entretien, et décroche le job. Il devient employé numéro… 30 et quelques. L’entreprise est minuscule, mais ambitieuse.

Data Fellows qui deviendra F-Secure, où Mikko a passé 34 ans de sa carrière

À l’époque, l’industrie antivirus en est à ses balbutiements. Les grands noms sont McAfee, Norton, et quelques autres américains. En Europe, y’a pas grand monde. Les virus se propagent principalement via des disquettes échangées de main en main. Internet existe, mais c’est encore un truc d’universités et de militaires et le World Wide Web ne sera disponible qu’en 1993. Mikko commence par analyser des virus DOS simples, mais il comprend vite qu’on est à l’aube d’une révolution.

Ce qui rend Mikko unique dès le début, c’est sa capacité à comprendre que derrière chaque virus, y’a une histoire humaine. Les créateurs de virus ne sont pas des monstres, ce sont souvent des gamins qui veulent prouver leurs compétences ou des programmeurs frustrés. Cette approche humaniste va définir toute sa carrière.

En 1994, Data Fellows lance F-PROT, l’un des premiers antivirus commerciaux européens. Mikko devient rapidement LE spécialiste des nouvelles menaces. Il développe une méthode d’analyse unique : Au lieu de juste créer des signatures pour détecter les virus connus, il cherche à comprendre les techniques utilisées, les motivations des créateurs, l’évolution des menaces. C’est de la criminologie appliquée au code.

1999, l’entreprise change de nom et devient F-Secure. Elle entre en bourse à Helsinki. Mikko, qui avait reçu des stock-options, devient millionnaire du jour au lendemain, mais contrairement à beaucoup qui auraient pris l’argent et seraient partis faire du kitesurf aux Maldives, Mikko reste. Pourquoi ? “J’adore mon boulot. Chaque jour apporte de nouveaux défis, de nouvelles menaces à analyser. C’est comme être détective, mais dans le cyberespace.

L’un des moments les plus marquants de sa carrière arrive ensuite en 2011. Pour célébrer le 25e anniversaire du premier virus PC, Mikko décide de faire quelque chose de complètement fou : retrouver les créateurs du virus “Brain”, le tout premier virus PC de l’histoire. Problème : tout ce qu’il a, c’est le code du virus avec une adresse à Lahore, au Pakistan. Une adresse vieille de 25 ans dans une ville de 11 millions d’habitants.

Code source du virus Brain qui se propageait via des disquettes 5,25 pouces

Mais Mikko n’est pas du genre à abandonner. Il prend l’avion pour Lahore avec une équipe de tournage. L’adresse dans le code du virus indique “Brain Computer Services, 730 Nizam Block, Allama Iqbal Town” et arrivé sur place, miracle, le magasin existe toujours ! Et les créateurs du virus, Basit et Amjad Farooq Alvi, deux frères maintenant quinquagénaires à ce moment là, y travaillent encore !

La rencontre est surréaliste. Les frères Alvi accueillent Mikko chaleureusement. Ils expliquent qu’en 1986, ils vendaient des logiciels médicaux pour les hôpitaux pakistanais. Problème, leurs clients pirataient systématiquement leurs programmes donc pour les protéger, ils ont créé Brain, qui infectait les disquettes pirates. Le virus affichait un message demandant aux utilisateurs de les contacter pour obtenir une version légale. Ils avaient même mis leurs vrais noms, numéros de téléphone et adresse dans le code !

Nous n’avions aucune intention malveillante”, explique Basit dans le documentaire. “Nous voulions juste protéger notre travail. Nous n’imaginions pas que ça deviendrait mondial.” Entre 1986 et 1989, Brain infectera plus de 100 000 ordinateurs de l’Arabie Saoudite à l’Indonésie. Les frères recevaient des appels furieux du monde entier, ne comprenant pas comment leur petit programme de protection avait pu voyager si loin.

Le documentaire de 10 minutes que Mikko réalise devient viral (sans mauvais jeu de mots). C’est la première fois que les créateurs du premier virus PC racontent leur histoire. On y voit les frères, maintenant chefs d’une entreprise d’hébergement web prospère, expliquer avec émotion qu’ils sont horrifiés par ce qu’est devenue l’industrie du malware. “Aujourd’hui, les virus sont créés pour voler, détruire, faire du chantage. C’est terrible”, déplore Amjad.

Mais bon, le vrai coup de maître de Mikko dans sa carrière, c’est son travail sur les virus les plus destructeurs de l’histoire moderne.

Retournons maintenant un peu en arrière… en 2003, c’est l’apocalypse numérique car en l’espace de quelques semaines, trois vers dévastateurs frappent Internet : Slammer en janvier, Blaster en août, et Sobig.F peu après. Des millions de machines infectées, des milliards de dollars de dégâts, et Internet qui ralentit au point de devenir inutilisable par moments.

F-Secure, sous la direction de Mikko, est en première ligne. L’équipe travaille 24h/24 pour analyser les menaces et développer des contre-mesures. Pour Blaster, Mikko et son équipe réalisent un exploit extraordinaire. Le ver exploite une faille dans Windows XP pour se propager automatiquement et en analysant le code, ils découvrent que le ver télécharge ses instructions depuis un serveur spécifique. Mikko contacte les autorités, le serveur est saisi, et le ver est neutralisé en quelques jours.

Pour Sobig.F, c’est encore plus épique puisque ce ver envoie des millions de spams et tente de télécharger du code malveillant depuis 20 serveurs différents. Mikko se coordonne avec le FBI, Interpol et des équipes de sécurité du monde entier et un par un, les 20 serveurs sont identifiés et neutralisés AVANT l’heure d’activation du ver. Une opération internationale coordonnée pour stopper une cybermenace, c’est du jamais vu à l’époque !

Puis en 2004, Vanity Fair publie un article de 10 pages intitulé “The Code Warrior” qui raconte cette période héroïque. Mikko y est présenté comme l’un des héros méconnus de la guerre contre les cybercriminels. L’article décrit ses nuits blanches, ses coups de téléphone avec le FBI à 3h du matin, sa course contre la montre pour sauver Internet. C’est une reconnaissance mainstream pour ce Finlandais discret qui préfère l’ombre des labos aux projecteurs.

Mais entre nous, l’une des affaires les plus fascinantes de sa carrière, c’est son analyse de Stuxnet en 2010. Ce ver informatique d’une complexité jamais vue est découvert par hasard par une petite boîte de sécurité biélorusse, mais c’est Mikko et quelques autres experts mondiaux qui vont comprendre sa véritable nature. Car Stuxnet ne vole pas de données, ne demande pas de rançon… Il cherche spécifiquement des automates programmables Siemens utilisés dans les centrifugeuses d’enrichissement d’uranium.

Stuxnet, le premier cyber-weapon d’État analysé par Mikko et son équipe

L’analyse de Mikko est glaçante : Stuxnet est une arme. Une cyber-arme développée par un ou plusieurs États pour saboter physiquement le programme nucléaire iranien. Le ver fait tourner les centrifugeuses trop vite puis trop lentement, les détruisant progressivement tout en envoyant de fausses données aux opérateurs. “C’est le premier acte de cyber-guerre de l’histoire”, déclare Mikko. “On est passé du vandalisme numérique à la destruction physique via le code.

Mikko donne des briefings classifiés aux gouvernements européens sur Stuxnet et leur explique que la boîte de Pandore est ouverte : si on peut détruire des centrifugeuses avec du code, on peut aussi s’attaquer aux centrales électriques, aux barrages, aux systèmes de transport. La cyber-guerre n’est plus de la science-fiction.

L’ironie de l’histoire arrive en 2012 lorsque l’Organisation Iranienne de l’Énergie Atomique envoie directement un email à Mikko : “Monsieur Hyppönen, nous avons découvert un nouveau malware dans nos systèmes. Pouvez-vous nous aider à l’analyser ?” Imaginez, les Iraniens, victimes de Stuxnet, qui contactent un expert finlandais pour les aider ! C’est dire le niveau de respect et de neutralité que Mikko s’est construit. Il analyse alors le malware (baptisé Flame) et publie ses résultats publiquement, sans prendre parti.

Puis en juin 2013, Edward Snowden balance les documents de la NSA et le monde découvre l’ampleur de la surveillance de masse. PRISM, XKeyscore, la collecte systématique des métadonnées… C’est un séisme. Mikko, qui avait déjà des soupçons, devient l’une des voix les plus critiques et les plus écoutées sur le sujet.

Son TED Talk de décembre 2013, “How the NSA betrayed the world’s trust – time to act”, devient viral avec plus de 2 millions de vues. Mikko y explique quelque chose de terrifiant avec son calme finlandais habituel : “Si vous n’êtes pas citoyen américain, vous n’avez aucun droit. La NSA peut légalement espionner tous vos emails, toutes vos communications, juste parce que vous n’êtes pas américain.

Il pose surtout LA question qui dérange : “Faisons-nous aveuglément confiance à n’importe quel gouvernement futur ? Parce que tout droit que nous abandonnons, nous l’abandonnons pour de bon. Si nous acceptons la surveillance aujourd’hui parce que nous faisons confiance à Obama, qu’est-ce qui se passe si dans 20 ans c’est un dictateur qui a accès à ces outils ?

Son autre TED Talk, “Three types of online attack”, donné en 2012 et visionné 1,5 million de fois, est aussi devenu une masterclass pour comprendre les menaces numériques. Mikko y explique qu’il existe trois types d’attaques en ligne : les criminels (qui veulent votre argent), les hacktivistes (qui veulent faire passer un message), et les gouvernements (qui veulent tout savoir). Mais seuls les deux premiers sont considérés comme des crimes. Le troisième ? C’est légal. “C’est ça le problème”, martèle Mikko.

Mais ce qui rend Mikko vraiment spécial, au-delà de ses analyses techniques pointues, c’est sa capacité à anticiper les tendances. En 2014, alors que tout le monde s’extasie devant les objets connectés, Mikko tire la sonnette d’alarme. “On est en train de transformer chaque objet en ordinateur. Votre frigo devient un ordinateur qui refroidit. Votre voiture devient un ordinateur qui roule. Votre montre devient un ordinateur que vous portez. Et qui dit ordinateur dit vulnérabilités.

Enfin, en décembre 2016, il tweet ce qui deviendra sa phrase la plus célèbre : “Dès qu’un appareil est décrit comme étant ‘intelligent’, il est vulnérable”.

La Loi de Hyppönen est née. Simple, percutante, terriblement vraie. Votre smart TV ? Vulnérable. Votre thermostat intelligent ? Vulnérable. Votre sex-toy connecté ? Vulnérable (et oui, ça existe, et oui, ça a déjà été hacké).

L’analogie qu’il utilise aussi pour expliquer les risques est brillante. En 2017, lors d’une conférence à Helsinki, il déclare : “Les objets connectés d’aujourd’hui, c’est l’amiante des années 60-70. À l’époque, on mettait de l’amiante partout parce que c’était un super isolant. 30 ans plus tard, on a découvert que ça tuait les gens. Aujourd’hui, on connecte tout à Internet parce que c’est cool. Dans 20 ans, on se demandera comment on a pu être aussi inconscients.

Et il a raison ! Les honeypots de F-Secure (des pièges pour détecter les attaques) montrent une explosion des infections IoT. En 2016, le botnet Mirai, composé de caméras de sécurité et de routeurs compromis, lance la plus grosse attaque DDoS de l’histoire, mettant hors ligne une partie d’Internet pendant des heures. “Je l’avais prédit”, dit simplement Mikko. Pas par arrogance, mais avec la tristesse de Cassandre qui voit ses prophéties se réaliser.

En 2018, Mikko co-écrit avec Linus Nyman un papier académique : “The Internet of (Vulnerable) Things: On Hypponen’s Law, Security Engineering, and IoT Legislation”. L’article devient une référence, cité dans les propositions de loi en Californie, au Royaume-Uni, en Europe. Pour la première fois, des gouvernements comprennent qu’il faut réguler la sécurité des objets connectés AVANT la catastrophe, pas après.

2021 marque un tournant car après 30 ans à analyser des malwares, Mikko décide de partager sa vision globale. Il écrit le livre “If It’s Smart, It’s Vulnerable” (lien affilié), publié d’abord en finnois puis traduit en anglais, allemand, japonais. Le livre n’est pas un manuel technique, c’est une réflexion philosophique sur notre rapport à la technologie dans laquelles Mikko développe sa vision : Après la révolution Internet qui a mis tous les ordinateurs en ligne, la révolution IoT met “tout le reste” en ligne.

“If It’s Smart, It’s Vulnerable” – Le livre de Mikko sur l’avenir de la cybersécurité

Sa prédiction finale y est vertigineuse : “À terme, tout ce qui consomme de l’électricité sera en ligne”. Votre ampoule, votre grille-pain, votre brosse à dents. Et quand être hors ligne ne sera plus une option, Internet deviendra tellement omniprésent qu’on ne le remarquera même plus. Comme l’électricité aujourd’hui : vous ne pensez pas “je vais utiliser l’électricité” quand vous allumez la lumière.

Une des caractéristiques les plus fascinantes de Mikko, c’est son côté archiviste obsessionnel. Depuis 1994, il garde TOUS ses emails. En 2024, ça représente 6,8 millions de messages, 150 Go de données. “C’est mon journal intime numérique”, explique-t-il. “Je peux retrouver exactement ce que je faisais n’importe quel jour depuis 30 ans”. Cette habitude reflète sa compréhension profonde de l’importance de la mémoire numérique.

Mikko est aussi un orateur extraordinaire. Il a donné des keynotes dans toutes les conférences qui comptent : Black Hat (Las Vegas, la Mecque du hacking), DEF CON (la conférence underground par excellence), RSA (le rendez-vous corporate de la cybersécurité), TED, TEDx, SXSW, DLD, Slush, même les Assises de la Sécurité à Monaco où je l’avais croisé IRL… Et sa présence sur scène est magnétique : costume impeccable, accent finlandais charmant, slides minimalistes mais percutants.

Ce qui frappe surtout dans ses présentations, c’est sa capacité à rendre accessible le plus complexe. Quand il explique un buffer overflow, même votre chef comprend. Quand il parle de cryptographie quantique, on a l’impression que c’est simple. Il a le don rare de vulgariser sans simplifier et d’éduquer sans ennuyer.

Et comme vous le savez, son travail ne se limite pas aux conférences car depuis les années 90, Mikko assiste régulièrement les forces de l’ordre. FBI, Europol, Interpol… Quand une affaire de cybercriminalité dépasse les compétences locales, on appelle Mikko. Il a témoigné dans des dizaines de procès, aidé à coincer des cybercriminels du Brésil à la Russie. Mais toujours discrètement : “Je ne suis pas un flic, je suis un expert technique. Mon job c’est d’expliquer comment le crime a été commis, pas de menotter les méchants.

Depuis 2007, il siège au conseil consultatif d’IMPACT (International Multilateral Partnership Against Cyber Threats) aux côtés de pointures comme Yevgeny Kaspersky (oui, LE Kaspersky de l’antivirus), Hamadoun Touré (ex-secrétaire général de l’ITU), et d’autres. En 2016, il devient aussi conservateur du Malware Museum aux Internet Archives, préservant l’histoire des virus pour les générations futures.

Et la reconnaissance internationale pleut sur Mikko. PC World le classe parmi les 50 personnes les plus importantes du web. Foreign Policy l’inclut dans sa liste Global 100 Thinkers. Il est intronisé au Temple de la renommée d’Infosecurity Europe en 2016. Twitter le remercie publiquement pour avoir amélioré leur sécurité. Même Wired, le magazine tech le plus influent du monde, lui demande d’écrire régulièrement.

Mais Mikko reste profondément finlandais et comme tous les hommes de son pays, il a fait son service militaire obligatoire. Mais au lieu de rentrer chez lui après, il est resté dans la réserve et aujourd’hui, il est capitaine dans la division des transmissions de l’armée finlandaise. “La Finlande a 1 340 km de frontière avec la Russie”, rappelle-t-il. “La défense nationale, c’est l’affaire de tous.” Cette formation militaire transparaît également dans son approche : discipline, méthode, anticipation.

D’ailleurs, malgré des offres mirobolantes de la Silicon Valley, de Londres, de Singapour, Mikko refuse de quitter la Finlande. “J’aime mon pays. Les hivers sont longs et sombres, mais les étés sont magiques. Et puis, la Finlande est régulièrement classée pays le plus heureux du monde. Pourquoi partir ?” Il vit toujours près d’Helsinki avec sa femme et ses trois fils, dans une maison qu’il a truffée de gadgets IoT… tous sécurisés, évidemment.

En 2022, grosse surprise dans l’industrie. F-Secure se scinde en deux : F-Secure pour les particuliers, WithSecure pour les entreprises. Mikko reste donc avec WithSecure comme Chief Research Officer mais après 34 ans dans la même boîte (un record dans la tech !), l’envie de changement le titille.

Puis en juin 2025, coup de tonnerre !! Mikko annonce qu’il quitte WithSecure pour rejoindre Sensofusion, une startup finlandaise spécialisée dans… les technologies anti-drones.

Comment ça ??? Le monsieur anti-virus devient monsieur anti-drone ? L’industrie est sous le choc. Mais quand on y réfléchit, c’est logique car les drones autonomes armés utilisant l’IA représentent la prochaine grande menace. Un drone peut porter des explosifs, des armes biologiques, peut espionner, peut former des essaims coordonnés… Comme l’explique Mikko, “Les malwares détruisent des données. Les drones peuvent détruire des vies […] et avec l’IA, la miniaturisation, le coût qui baisse, n’importe qui pourra bientôt acheter un drone tueur sur le dark web. Il faut développer des contre-mesures MAINTENANT”. Bref, toujours cette capacité à voir 5 ans en avance.

Les drones autonomes : la nouvelle frontière de la sécurité selon Mikko

Quand on lui demande d’identifier les grandes menaces de 2024-2025, Mikko liste cinq dangers majeurs avec sa clarté habituelle.

  • 1/ la désinformation amplifiée par l’IA. “Bientôt, créer de fausses vidéos parfaites sera aussi simple qu’écrire un tweet.
  • 2/ les deepfakes utilisés pour le chantage ou la manipulation.
  • 3/ l’automatisation des cyberattaques. “L’IA peut tester des millions de combinaisons par seconde, trouver des failles que les humains rateraient.
  • 4/ la manipulation psychologique personnalisée. “Une IA qui a lu tous vos posts peut créer le message parfait pour vous manipuler.
  • 5/ la perte de contrôle sur les systèmes autonomes. “Que se passe-t-il quand l’IA qui gère le réseau électrique décide qu’elle sait mieux que nous ?

Bref, l’approche de Mikko a toujours été holistique car il ne se contente pas d’analyser le code… il comprend le contexte géopolitique, les motivations humaines, l’impact sociétal. Par exemple, quand il parle de Stuxnet, il explique les tensions Iran-Israël. Quand il analyse un ransomware, il est capable de décrire l’économie criminelle russe. Cette vision à 360 degrés fait donc de lui l’un des experts les plus complets au monde.

Aujourd’hui, l’héritage de Mikko est partout. Quand votre antivirus détecte une menace, il utilise des techniques qu’il a développées. Quand votre smartphone vous alerte sur une app suspecte, c’est grâce à des recherches qu’il a menées. Quand l’Europe vote des lois sur la sécurité IoT, c’est en citant ses travaux. Et quand les médias parlent de cyberguerre, ils reprennent ses analyses !

Mais au-delà des accomplissements techniques, Mikko représente quelque chose de plus grand. Dans un monde où la tech évolue à vitesse grand V, où les menaces se multiplient, où la frontière entre physique et numérique s’efface, on a besoin de gardiens, c’est à dire de gens qui comprennent la technologie mais gardent leur humanité… des experts qui alertent sans faire peur, des visionnaires qui anticipent sans fantasmer.

Et dans 20 ans, quand l’IA sera partout, quand les drones patrouilleront dans nos villes, et quand le moindre objet sera connecté, on se souviendra de Mikko comme celui qui avait prévenu. Celui qui avait vu venir. Celui qui s’est battu pour que la technologie reste au service de l’humanité.

Sources : Wikipedia – Mikko Hyppönen, WithSecure – Mikko Hyppönen bio, TED – Mikko Hyppönen speaker page, F-Secure Blog – Hypponen’s Law and IoT, Help Net Security – Brain virus documentary, Virus Bulletin – Taking Brain home, NPR – Mikko on NSA surveillance, Verdict – Smart devices as IT asbestos, If It’s Smart, It’s Vulnerable – Official book site, Baillie Gifford – Interview with Mikko Hyppönen, The Juggernaut – Brain virus story

Source : korben.info