Sécurité post-quantique – Ils pensaient que c'était impossible, alors Signal l'a fait !
L’apocalypse de l’informatique quantique, c’est un truc que les experts annoncent régulièrement depuis 30 ans. Et cette fois ça commence à se préciser car si j’en crois
Gartner
, c’est pour 2029 – 2034 !
C’est le “on verra ça la semaine prochaine” éternel de la sécurité informatique, sauf que pendant que tout le monde rigole nerveusement en se disant on a le temps, Signal, eux s’attaquent sérieusement au sujet. Et il viennent de publier un
write-up technique assez long
expliquant comment ils ont déjà régler le problème.
Actuellement, seulement 18% des entreprises du Fortune 500 ont des réseaux protégés contre les ordinateurs quantiques donc autant vous dire que pas grand monde n’est prêt. Heureusement, on va tous pouvoir s’inspirer de ce qu’a fait Signal qui a mis au point un nouveau système baptisé SPQR (Sparse Post Quantum Ratchet, que j’imagine être un jeu de mot avec
le SPQR romain…
).
Le problème, c’est que la cryptographie post-quantique, c’est pas juste une mise à jour de sécurité comme les autres. Concrètement, les nouvelles clés cryptographiques résistantes aux ordinateurs quantiques (ML-KEM-768, pour les intimes) font 2 272 bytes alors que les anciennes clés ECDH ne sont que de 32 bytes. C’est donc 71 fois plus gros et donc nos échanges chiffrés vont consommer encore plus de bande passante.
Et ça, c’est juste la partie visible du problème car Signal, c’est pas WhatsApp qui peut se permettre de dire “tant pis, on a de la thune, on va juste consommer plus de bande passante”. Non, Signal lui doit fonctionner partout c’est à dire aussi bien sur les vieux téléphones, que sur les réseaux pourris, ou dans les pays où les gouvernements surveillent activement le trafic. Et tout ça en restant plus sécurisé que n’importe quel autre service. C’est pas évident donc…
En 2023, Signal avait déjà fait
une première mise à jour post-quantique avec PQXDH
. L’idée, c’était de sécuriser la phase d’initialisation des conversations (le fameux handshake) au travers d’une approche hybride. En gros, on garde l’ancienne méthode X25519 et on ajoute un Kyber-1024 par-dessus, comme ça, même si les ordinateurs quantiques cassent l’une des deux protections, l’autre tient encore.
C’est malin, mais bon, ça ne suffisait pas car le handshake, c’est juste le début pour initialiser la conversation. Alors Signal a mis au point un système appelé le “Double Ratchet” qui fait évoluer les clés de chiffrement en permanence. Ainsi, à chaque message envoyé ou reçu, hop, de nouvelles clés sont générées. C’est ce qui donne à Signal ses super-pouvoirs : la forward secrecy (en gros, ça veut dire que si on vous pirate aujourd’hui, on ne peut pas déchiffrer vos vieux messages) et la post-compromise security (si on vous pirate, vous récupérez automatiquement une connexion sécurisée après quelques échanges).
Ce Double Ratchet, c’était une merveille d’ingénierie, sauf que devinez quoi… il repose entièrement sur ECDH, qui sera totalement cassable par les ordinateurs quantiques d’ici quelques années.
Donc il a fallu tout repenser !
Signal a donc ajouté un troisième ratchet au système. Un Triple Ratchet, le SPQR, qui fonctionne en parallèle des deux autres et injecte régulièrement des secrets post-quantiques dans le mélange.
L’astuce géniale, c’est qu’ils utilisent des “erasure codes”. C’est un peu comme les codes de correction d’erreur sur les CD, mais pour reconstituer des clés cryptographiques manquantes. Hé oui parce que sur un réseau merdique (ou surveillé par un vilain méchant gouvernement), des paquets se perdent. Du coup, avec les erasure codes, même si vous loupez quelques messages, vous pouvez quand même reconstituer les clés.
Et pour régler le problème de la taille des clés (vous vous souvenez, l’explosion de la bande passante ?), ils ont parallélisé les échanges de clés comme ça au lieu d’envoyer une grosse clé à chaque message, ils en envoient plusieurs petites en parallèle, réparties sur plusieurs messages. Ainsi, l’impact sur la bande passante reste raisonnable.
Voilà, donc pour résumer Signal a réussi à ajouter une protection post-quantique complète, en maintenant la forward secrecy et la post-compromise security, tout en gérant les environnements asynchrones (quand les gens sont offline), les réseaux pourris et les adversaires actifs. Tout ça avec un impact minimal sur les perfs ! C’est beau non ?
Et le plus beau dans tout ça c’est que pour nous, les utilisateurs rien ne change ! Toute cette complexité technique est totalement invisible. D’ailleurs les entreprises françaises feraient bien de se mettre sur le sujet car le temps passe vite.
L’ANSSI a même tiré la sonnette d’alarme
et fixé des échéances précises pour que les entreprises se bougent. Les secteurs les plus à risque (banques, santé, infrastructures critiques…) sont en première ligne. En plus quand on sait que les cybercriminels (et la NSA et compagnie)
stockent déjà des données chiffrées
pour les déchiffrer plus tard avec des ordinateurs quantiques, l’excuse du “on verra plus tard” ne tient plus vraiment la route.
Signal a ouvert totalement son code et publié ses algos et autres formules donc chaque entreprise qui le souhaite peut aller s’en inspirer. Pour une ONG c’est impressionnant ce qu’ils ont réussi là et ça prouve encore une fois qu’en matière de sécurité, il n’y a pas de fatalité.
Juste des choix.
Source : korben.info